Proposer de la musique
1- La musique en bibliothèque
L’offre musicale en bibliothèque est aujourd’hui plus que jamais, une vraie question. Après le développement généralisé des collections de CD durant les années 90 et 2000, un grand nombre d’établissements constatent désormais une baisse significative des prêts. La raison principale est en fait un profond changement dans les façons d’écouter la musique. Les réseaux internet et de téléphonie ayant maillé convenablement les territoires, le public a dorénavant accès à des offres de musique en ligne et des abonnements du streaming musical par le biais des mobiles entrainant la fin de la copie privée effrénée et cela change tout.
A la question :
Faut-il ou non proposer aujourd'hui en bibliothèque des collections musicales sous forme de CD, de vinyles voire de numérique ?
La réponse est :
Bien que les prêts de disques soient en recul depuis déjà de nombreuses années, la présence du CD et du vinyle reste malgré tout une très bonne façon de matérialiser une offre musicale physique et le numérique d'offrir un service de nos jours très apprécié. Renoncer à la musique en bibliothèque reviendrait clairement à l'abandonner aux acteurs du secteur marchand qui n'ont pas le souci de la diversité et de la pérennité des œuvres musicales. La bibliothèque a un rôle très important à jouer dans le domaine de l'éveil et de la culture musicale du public, sans oublier que littérature, cinéma et musique se côtoient à merveille.
2- Quelle offre ?
L’économie de la musique repose aujourd’hui principalement sur les concerts. Mais la vente des CD et des vinyles ainsi que les droits négociés pour le streaming, restent un revenu important pour les Labels (SNEP Syndicat National de l'Edition Phonographique), ce qui rend donc encore possibles les achats. Les supports physiques et le numérique peuvent d'ailleurs être choisis conjointement pour constituer des collections. Des livres, revues et DVD apporteront un regard appréciable et complémentaire sur le domaine.
Comme pour tout document, il est avant tout nécessaire de définir une politique d'acquisition à l'aide de questions essentielles.
- Quels publics ? Il y a les inscrits et ceux qui ne le sont pas encore et qu'il ne faut pas oublier. De quelles catégories d'âges ou sociales sont-ils constitués ? Sont-ils plutôt mélomanes, curieux ou néophytes ? Quels genres musicaux apprécient-ils ? Ont-ils des pratiques musicales ? Pour toutes ces questions, un petit questionnaire peut être proposé.
- Que choisir ? La "discothèque idéale" représente tous les genres musicaux avec leurs œuvres majeures et leurs nouveautés, mais dans des proportions qui ne peuvent ignorer les attentes des publics. Les "produits d'appel" destinés à satisfaire une soif de nouveautés doivent permettre la découverte de trésors méconnus. La production discographique est concentrée entre les mains des trois majors qui trustent plus de 80 % du marché et qui imposent leurs stratégies. Les bibliothèques ont le devoir de ne pas oublier les labels indépendants afin de participer à la découverte d'artistes moins formatés et moins médiatisés. Il est nécessaire par ailleurs de veiller à un juste équilibre entre les productions anglophones et francophones.
Voici des proportions adaptables : Jazz 10% - RnB+Rap+Reggae 10% - Rock 20% - Classique 10% - Fonctionnelle 10% - Chanson 20% - Jeunesse 10% - Monde 10%
- Quel(s) support(s) ? Une collection physique permet aux personnes éloignées des contenus numériques (réseau, coût ou usage) d'accéder toujours à la musique. Cette matérialisation offre de plus d'appréhender la musique comme ne peut le faire aussi bien le numérique c'est-à-dire avec un classement, une indexation et une mise en perspective des genres et styles musicaux dans la grande histoire de la musique. Le vinyle, redevenu curieusement moderne, offre une présence visuelle autant que charnelle à la musique. L'association des deux supports est fréquemment choisie pour une richesse en peu d'espace avec le CD et pour l'attractivité vintage du vinyle. Le numérique, qui de son côté facilite à l'extrême l'écoute en limitant les contraintes matérielles et de déplacement, est un choix séduisant dont le coût reste malheureusement pour le moment très élevé. Dans le cadre d'un réaménagement de la bibliothèque, on peut choisir de créer un espace dédié la musique où peuvent être rassemblés tous les supports sur le domaine (CD, vinyles, DVD, bornes d'écoute, partitions, livres et revues).
- Quel budget ? Le CD comme le vinyle sont vendus à un prix libre et non arrêté à la parution contrairement au livre et il n'y a aucune rétribution des ayants droits à la différence du livre et du DVD.
- Quels fournisseurs ? Les disquaires étant aujourd'hui très peu nombreux, les libraires et grandes surfaces peu achalandés, les magasins en ligne (Fnac, CD and LP, Cultura, Amazon, ...) restent une solution, sans oublier les fournisseurs spécialisés (GAM et CVS) dont les sites sont bien adaptés aux recherches et aux commandes et qui procurent en plus des notices. Côté numérique, les offres sont encore limitées et chères [MusicMe (Majors), 1D Touch (Labels indé), Philharmonie (Classique)]. Toutefois, la Médiathèque départementale propose désormais aux bibliothèques partenaires, de bénéficier d'une offre musicale numérique en ligne avec la Bibliothèque numérique départementale.
- Quels outils ? La presse musicale (Rock & Folk, Magic, Classica, Diapason, Jazz Magazine...) et d'actualité (Télérama, Les Inrocks...) les sites internet des radios (Radio France...), les sites de streaming (Deezer, Spotify, Qobuz...) et ceux des fournisseurs (GAM et CVS), sans oublier les ouvrages sur la musique, toutes ces ressources complémentaires sont d'une très grande utilité.
3- La médiation
La présentation des collections est la première des valorisations par le biais d'une signalétique claire et d'un mobilier adapté. Des sélections régulières de disques autour d'un genre, d'une période ou d'un artiste sont des invitations à la découverte qui complètent à merveille les suggestions personnalisées. Ce travail de valorisation physique peut évidemment se retrouver sur le portail de la bibliothèque, complété par des Web radios. Sonoriser l'espace musique permet de faire écouter au public des propositions musicales et mettre à disposition des lecteurs de CD avec casque favorise l'exploration individuelle des collections.
Les animations sont également essentielles pour créer une dynamique d'emprunts.
- Pour le tout public
Des rendez-vous réguliers pour partager des coups de cœur et réaliser des palmarès, des écoutes passives ou de détente, des écoutes dans le noir, des siestes musicales, de la musicothérapie, des blind test, des quizz musicaux, du karaoké, de l'air-guitar, des conférences de passionnés ou de spécialistes, des concerts d'artistes amateurs ou professionnels, locaux ou nationaux, des expositions, des prêts d'instruments, une mise à disposition des musiciens d'une pièce insonorisée pour des répétitions, des ateliers Musiclab ou Music Maker, sans oublier le vinyle avec des animations autour du sleeveface...
- Pour le public jeunesse
Il est possible de proposer à l'attention des enfants, de l'éveil musical, des jeux d’oreilles et de doigts, une heure du conte en musique, une découverte d’instruments et toutes sortes de spectacles sans oublier des partenariats avec les écoles et les écoles de musique...
- A l'occasion d'événements
La Fête de la musique, le disquaire day, Tous à l'opéra, les festivals régionaux et les programmations des salles de concerts régionales, sont tous des occasions à ne pas manquer pour proposer des sélections et des animations musicales dans la bibliothèque.